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Dernières Critiks

BLIND, d'Eskil Vogt

Genre : Sens irréel

 

"Blind" est un film sensuel et sensoriel, où la cécité installe un imaginaire débordant. Ce n'est pas le spectateur qui est aveugle, et heureusement vu la beauté de l'image, mais sa narratrice. Pour autant, ce ne serait pas insensé de seulement écouter le film, pour se mettre encore plus dans la peau d'Ingrid. Car le travail sur le son est d'une précision telle que l'expérience doit probablement être saisissante et cohérente. Ingrid développe un sens irréel, celui de l'imagination.

C'est frappant comme la mise en scène retranscrit très bien la sensation étourdissante d'un voyage dans ses fabulations. Ingrid nous entraine dans ses rêveries avec une spontanéité déconcertante et truculente. Ellen Dorrit Petersen joue avec grandeur et se joue de nous. On est complètement épris de cette Ingrid, on tâtonne, se heurte, s'amuse avec elle. L'actrice est belle, l'actrice est simple, elle est à la fois douce et brûlante. Il y a comme un trop plein d'énergie, contenu par une crainte de sortir de son confort, de son imaginaire, pour revenir à la vraie vie. La réalisation extrêmement précise transpose brillament ce mélange de douceur et de virulence.

"Blind" c'est l'imagination débordante d'Ingrid, un imaginaire à perte de vue.

 

D. B.

Ellen Dorrit Petersen - Blind

LA LOI DU MARCHE, de Stephane Brizé

Genre : A failles humaines

 

Factuellement, le film n'a rien d'extraordinaire, pour cause, la vie de Thierry est extrêmement ordinaire. C'est là la grande réussite de Stéphane Brizé, signer un portrait d'une vérité triste mais prenante.

Vincent Lindon mène le film, mais accompagne surtout des choses qui le dépasse, lui et même son personnage. Avec ce rôle, presque secondaire finalement, il se fait l'ambassadeur des petites gens. L'histoire de vie de Thierry est significative de la société actuelle dans ce qu'elle a de plus méprisable. Son parcours est d'abord une descente aux enfers face à l'escalade de l'humiliation qu'il subit. En plus d'être un vrai reflet du chômage en France, l'enchainement des rendez-vous agresse sa dignité d'humain. Mais Thierry n'est pas seul dans ce cas. Quand sa situation va, à peu près, s'arranger, il va rencontrer d'autres miséreux. La confrontation est terrible.

La loi du marché, c'est la nouvelle loi de la jungle. Le monde est tel que pour s'en sortir la facilité va à l'égoïsme. Chaque scène est une franche illustration des déchirements de notre société. On ne peut rien lâcher; le boulot est vital, les négociations sont dures, chacun défend son bifteck, les points de fidélité et de réduction sont précieux, même les meilleures âmes se vendent. Le constat est terrible, mais juste.

Ce qui est frappant dans cette histoire c'est qu'elle est fortement équilibrée. Le propos est très engagé, mais jamais manichéen. Tout est mauvais, mais tous ont du bons. Tout va mal, mais tout pourrait aller mieux. Dans cette jungle, un rien peut renverser la machine infernale; un machin appelé capitalisme.

 

D. B.

Vincent Lindon - La loi du marché

LOIN DE LA FOULE DECHAINEE, de Thomas Vinterberg

Genre : Lady de la ville

 

Surprenant projet que ce nouveau Vinterberg. Le film s'éloigne de l'univers de son auteur. "Far From de Madding Crowd" a quelque chose de traditionnel, d'une part car c'est l'adaptation (troisième au cinéma) d'un roman classique du XIXème, d'une autre parce qu'il s'appuie sur les codes du film à costumes. Néanmoins on retrouve la part de lyrisme du fastidieux "It's all about love", mais en plus charmant donc.

 

Cette histoire c'est celle de deux destins confondus. La rencontre d'un fermier de bonne situation, grâce à son dur labeur, et d'une jeune femme lézardant dans la modeste campagne de sa grand-mère en quête d'une situation. C'est un drame romantique coutumier qui trouve son charme en se plongeant dans l'Angleterre Victorienne. Il est question d'amour contre mariage d'intérêts, reflet très juste des tourments de l'époque. Ces histoires de vie pleines de rebondissements illustrent une période et s'inscrivent dans la lignée d'autres romances d'époque, "Barry Lyndon" par exemple. On trouve aussi un propos intéressant à ce récit car il interpelle sur la place des femmes dans la société, à l'instar de "Tess" (Polanski) ou "La lettre écarlate" (Wenders).

Le scénario pousse un peu trop son côté romantique, avec même une certaine frivolité. Pas assez brut, il manque d'authenticité et frise la niaiserie. Certains échanges sont très creux, ça empeste l'eau de rose, excessivement sur la conclusion.

 

Le travail de reconstitution est convaincant, mais peut-être pas autant que sur les films cités précédemment. Les décors, les demeures et les costumes peignent un dépaysement prenant, le tableau est beau. La lumière est un peu trop imposante et illusoire, au contraire de la parfaite photographie de "Barry Lyndon".

Autre code du film à costume, la ballade musicale. Elle y est agréable et charmante, avec un peu plus de subtilité la bande son serait parfaite.

 

Thomas Vinterberg est clairement un excellent directeur d'acteurs. La partition d'interprétation est impeccable. Certes Matthias Schoenaerts amplifie le côté mielleux du récit. La gentillesse et la serviabilité extrêmes de son personnage laissent perplexe. En revanche Carrey Mulligan est d'une finesse fascinante. Elle incarne une femme belle de convictions avec ses failles et ses forces. L'actrice est sublime.

 

"Loin de la foule déchainée" est un film de costume purement traditionnel, avec tous ses charmes. Il déborde quelque peu de lyrisme, mais fait place belle à Carey Mulligan et aux femmes. Dommage que ce propos ne soit pas assumé de bout en bout et se termine sur un ton doucereux.

 

D. B.

Carey Mulligan et Matthias Schoenaerts

JURASSIC WORLD, de Colin Trevorrow

Genre : Une nostalgie à ronger

 

Ce remake débarque dans une ribambelle de reprises. C'est assumé, et c'est là qu'est la réussite du film. "Jurassic World" est à prendre à la dérision, il se joue de la société de consommation dans toute sa dimension.

Le scénario abuse des clichés scénaristiques habituels aux films Hollywoodiens. Les personnages sont tous extrêmement caricaturaux. Chris Pratt le héros misogyne "so cool" digne héritiers d'Harisson Ford, Bryce Dallas Howard la femme en détresse qui se débride, les enfants qui se rapprochent dans la panade, Omar Sy en bon copain dévoué et fidèle, enfin Vincent D'onofrio en bad-guy aux antipodes du fin Caïd de "Daredevil"; tous en font des caisses, si bien que c'en est drôle.

Comme souvent la surenchère d'invraisemblance est cocasse. Outre les personnages, le déploiement de la trame est aussi subtil que ses méchants. Le film est risible de ses flagrantes incohérences scénaristiques et de ses péripéties saugrenues. C'est si ridicule que ça paraît clairement assumé, voir ironique dans le fond.

Le film abuse du placement de produits en même temps qu'il s'en moque. Entre le labo Samsung et les Pepsisaurus, se cache le paradoxe. Le parc Jurassic World est une illustration très éloquente de notre époque et de sa consommation de masse. Regard cynique sur ce que peuvent être les parcs zoologiques et les traitements inhumains infligés aux animaux. Aucune considération n'est faite aux Dinosaures, ils ne sont que produits de commerce. On isole et on rassemble les bébés pour attirer les enfants qui grimpent dessus comme sur des jouets.

Comme l'émerveillement s'essouffle, que les chiffres ne sont plus bons, il faut en faire plus. Alors on pousse le progrès jusqu'à créer une grosse bébête génétiquement modifiée pour faire « cauchemarder les parents ». Oui mais voilà, à force on ne contrôle plus le progrès et ça dépasse l'entendement. Tout cela est un reflet d'une justesse étourdissante du monde moderne. Forcement ce questionnement sur la société spectacle est hyper métafictionnel.

Le propos met le spectateur à la place des visiteurs et l'équipe du film à la place de celle du parc. Ce n'est peut-être pas aussi simple et probant que cela, mais il y a l'idée. "Jurassic World" se moque des travers d'Hollywood, notamment son obsession de toujours vouloir en donner plus à son public, en spéculant sur ses attentes. L'omniprésence des dinosaures en hologrammes conjugue cette allégorie du cinéma IMAX et cie.

Il y a aussi un regard plus précis sur la franchise à travers les parallèles entre Jurassic Park et Jurassic World (les parcs et les films). Il est question de nostalgie, le remake se construit alors logiquement sur les ruines du chef-d'œuvre de Spielberg. C'est aussi de "Jurassic Park", et de la génération qu'il a marqué, dont le film se joue. Tout le côté ringard des personnages caricaturaux, et du scénario rocambolesque, c'est l'essence même de Jurassic Park et du cinéma des années 90. "Jurassic World" met en exergue une évolution de la société, autant dans ses travers que ses progrès bénéfiques. Mais en même temps on retrouve l'ambiance charmante de l'univers Jurassic. Cela donne des frissons de réentendre ce magnifique thème musical, et le voyage est presque aussi stupéfiant 22 ans après. Petit clin d'œil amusant, propre à la franchise, l'artifice de la patte d'oiseau sur un petit monticule de neige. Le trompe l'oeil est habituel à la saga, et une référence à la comparaison répétitive du Dr Grant.

 

Le remake joue sur l'aspect nostalgie et reste d'une grande fidélité au premier "Jurassic Park". Pour autant il est très actuel dans son propos, mais aussi dans sa réalisation. Le même monde, modernisé. C'est un coup de neuf réjouissant, surtout au départ tranquille de la ballade. Globalement les effets-spéciaux sont convaincants, surtout à côté des films précédents (qui ont mal vieilli), mais l'apothéose finale est peu lisible.

A force de cynisme, le film est très fade. Chris Pratt et Omar Sy amusent quelque peu la gallerie, mais rien de mémorable ou d'hilarant. "Jurassic World" parodie le cinéma d'aventure des années 90, le charme vintage en moins, et tombe dans les travers d'un banal blockbuster actuel.

La recette en fait un film grand public parfait. En somme "Jurassic World" fait forte impression sur le coup, mais manque finalement de mordant.

 

D. B.

Les enfants perdus dans le "Jurassic World"

MUSTANG, de Denis Gamze Ergüven

Genre : Turkish Suicides

 

Oh combien ce premier film de Deniz Gamze Ergüven a été comparé à celui de Sofia Coppola, le rapprochement est inévitable. Il s'agit presque d'une transposition tant on retrouve des éléments précis de "Virgin Suicides". Cette adaptation turque prend tout son sens, surtout dans l'environnement où elle s'installe. La même histoire prend une toute autre dimension une fois implantée dans un contexte géo-politique particuliers.

Le film est un portrait de famille qui illustre un pays follement austère. Ce foyer est représentatif d'un état d'esprit ultra conservateur. Même s'il rôde, le progrès est loin, à mille kilomètres, à Istanbul. La maisonnée se barricade progressivement, comme menacée par le progrès, mais celui-ci vient de l'intérieur. Ce sont ces cinq sœurs débordantes de vie qui incarnent le progrès. L'enfermement et la soumission qu'elles subissent ouvrent des sujets graves; le mariage forcé, les droits de la femme, l'éducation... Pour autant, ça ne tombe jamais dans le désespoir ou la lourdeur, au contraire.

"Mustang" est un film plein de fougue et de fraicheur. Toute cette vivacité émane des cinq petites bombes lumineuses : Lale, Nur, Selma, Ece et Sonay. Elles sont magnifiques de combativité, ces jeunes filles sont solaires. A l'instar des Lisbon de "Virgin Suicides", elles se délassent avec une certaine sensualité. La mise en scène est toute aussi vigoureuse. La scène du stade est à la fois très cocasse et fabuleuse.

L'alliance entre ralentis et musique, conjugué par la jouvence du casting, fait des merveilles. Des temps suspendus parfaitement contemplatifs. C'est la cadette Lale qui transporte le plus ces envolées, comme quand elle parcours les barricades de sa maison, à la recherche d'un point de fuite. Il y a du lyrisme dans ce film, proche du conte.

Le scénario ne fait pas toujours dans le réalisme. Les échappées, comme celle du match réservé aux supportrices, extirpent le meilleur d'une situation réelle pour en faire ressortir son côté burlesque (suite aux débordement d'hooligans, l'entrée à un match a vraiment été interdite aux hommes). C'est dans cette scène démente (et seulement dans celle-ci) qu'on voit les "grands-mères" avoir un peu de bon sens et protéger les fugueuses de leur oncle excessivement violent. C'est un respiration très cocasse que ce sabotage électrique.

Dans les veines de "Virgin Suicides", à la limite du "Hors-jeu" de Panahi et avec de l'insolence de "Wadjda"; "Mustang" est le portrait de cinq jeunes filles débordantes de vie, enfermées dans une foyer significatif d'une société patriarcale dangereusement conservatrice.

 

D. B.

Güneş Nezihe Şensoy - Mustang

VICE-VERSA, de Pete Docter & Ronnie del Carmen

Genre : La douleur des sentiments

 

Pixar a toujours joué avec nos sentiments, et brillamment. Il est donc logique que les studios nous offrent cette histoire dont les protagonistes sont des émotions. Ainsi, "Vice Versa" est en symbiose avec le style Pixar.

Si on est tous plus ou moins touchés par quelques films en particuliers, on peut aisément reconnaître la grande qualité d'écriture de tous les films d'animation du studio à la lampe. Non seulement c'est le cas de "Vice Versa", mais c'est peut-être même le plus ingénieux des scénarios Pixar. C'est hyper ambitieux de s'essayer à faire un film tout public sur le chamboulement des émotions et des souvenirs, et ce dans une psychologique très profonde. La réflexion sur le fonctionnement de notre personnalité est très poussée et semble toujours relativement juste. Ce voyage interne traverse toutes les dimensions de notre cerveau : les émotions, les souvenirs, la personnalité, l'imaginaire, l'abstrait, le rêve... Cette aventure est un parcours initiatique qui propose une illustration de notre conscience convaincante et instructive, mais jamais didactique.

Évidemment les plus jeunes spectateurs ne saisiront pas toute la finesse de cette représentation, mais le film a un pouvoir comique extraordinaire. L'incarnation des émotions est un véritable numéro de clowns qui peut amuser les enfants autant que les grands. Comique de spontanéité et de répétition avec dans le fond un humour plus subtil et référencé. La drôlerie est tenue jusqu'à la toute fin avec ce dernier gag dans la tête des passants, et l'hilarante vision dans les pensées d'un chat.

C'est avant tout la confrontation des personnages, et donc des émotions, qui est drolatique. La truculence de Joie face à la dépression chronique de Tristesse, et autour, Peur, Dégoût et Colère, les traits de caractères sont tous parfaitement incarnés. Il y a aussi confrontation entre les parents et leurs esprits contradicteurs.

Dans cette histoire on voit très peu Riley, et encore moins ses parents. "Vice Versa" reste un film très intérieur. En nous plongeant dans les pensées de la petite fille il pose un questionnement relativement universel, ce que l'on perd en murissant. Les petits détours par l'intérieur d'autres personnages nous montrent que ce fonctionnement laisse place à diverses personnalités. C'est particulièrement saisissant de voir celle de Riley évoluer, et le scénario évoluer avec. Tout est très construit, mais le mélange des sentiments semble d'abord fouillis, quand le bon sens est (re)trouvé, ce mélange des sentiments trouve la bonne harmonie. L'extériorisation de tout cela est touchante et cohérente. On s'attache vraiment à la petite Riley, et bien que peu exploitée, la relation avec ses parents est touchante.

Le film va au bout de son sujet et plonge parfois dans des profondeurs éprouvantes. Les plus jeunes âmes ne sont peut être pas prêtes à subir ces épreuves. En tout cas c'est un message bon à entendre à tout âge, une ode à l'enfance au moins aussi belle que "Peter Pan".

Pour ce qui est du doublage français, pas grand chose à notifier si ce n'est l'enthousiasme génial de Charlotte Le Bon.

Comme chaque Pixar, "Vice Versa" n'est pas du tout un film enfantin. D'une finesse rare, cette aventure est drôle et touchante, singulière et universelle, douce et douloureuse.

 

D. B.

Tristesse et Joie - Vice Versa

VALLEY OF LOVE, de Guillaume Nicloux

Genre : L'ombre de Guillaume

 

"Valley of Love" est un film intriguant. Quoiqu'on en dise, Guillaume Nicloux arrive relativement à nous entrainer par la main dans cet étrange parcours de vie. Le chemin du deuil navigue entre mysticisme et pragmatisme.

 

Cette dualité est incarnée par la confrontation des personnages de Depardieu et Huppert.

Gerard, dans son propre rôle, est d'un cynisme amusant. Après toutes les frasques de l'acteur, c'est convenant de le voir aussi naturel avec un sens de la dérision plutôt remarquable. Il joue sur son propre costume de beauf, sa proéminence et son côté bourru. La voix essoufflée et le corps suintant.

Dans ce rôle, Isabelle Huppert est criarde, stridente et donc une compagne de route insupportable. Elle est usante de bout en bout. L'amour indéfectible de son ex-mari est d'autant plus touchant. On comprend bien cette folie, nourrie par la deuil impossible et une sérénité disparue à jamais. Elle cherche constamment à se rattacher à quelque chose; retrouver son fils, partager sa vie avec le père de ce dernier, ou trouver du réseau pour appeler ses proches. Isabelle est paumée.

 

Difficile de faire la part du vrai et du faux dans cette histoire. La conclusion de "Valley of Love" amplifie le paradoxe entre réalisme sobre et fabulation surnaturelle. Elle laisse drôlement perplexe. Le récit se charge de trop de mystère et éclipse le sujet le plus intéressant; chercher à comprendre les raisons d'un suicide et à ne pas se torturer de regrets. Ces questions, plus profondes, sont même concrètement bottées en touche.

 

"Valley of Love" est une ballade américaine aride. La tête bouillonne comme dans "Paris, Texas". La casquette rouge est-elle un référence ? Plongé dans un désert, de décors et de certitudes, le couple traverse une épreuve qui s'avère être de plus en plus introspective et figurative. La Vallée de la mort est magnifique, mais la réalisation est approximative et pourrait d'avantage mettre en valeurs ce décors grandiose.

 

D. B.

Gerard Depardieu et Isabelle Huppert

TERMINATOR - GENISYS, de Alan Taylor

Genre : Reboot protocolaire

 

Le spectacle est divertissant, quoique les deux heures sont un peu longues. Les prouesses visuelles du progrès technologique sont assez fascinantes. La franchise bénéficie d'un bon coup de neuf, les effets spéciaux sont convaincants et le rythme est entrainant.

De la saga il ne reste que l'inoxydable Schwarzy. La mécanique du taiseux cynique, mais attachant, fonctionne plus que jamais. Il est le seul rescapé de ce reboot brutal. Tous les autres personnages, et leurs sont histoires, sont ré-interprétés, voir massacrés. C'est amusant au départ, mais ça sonne franchement creux par la suite. Dire que James Cameron a vanté les mérites de ce film...

Les nouveaux interprètes sont franchement pas terribles. Emilia Clarke donne tout de même une belle vivacité à sa Sarah Connor, bien que très différente de celle de Linda Hamilton. Elle est l'atout charme traditionnel pour cet opus, et sa présence est lumineuse. Tout le casting masculin est antipathique (sauf Schwarzy bien-sûr) et porte le ramassis de clichés qui pourrissent le film.

Le scénario est une banale anticipation qui joue avec le temps. A l'image des deux précédents films de la saga, les protagonistes ne sont que de viles caricatures Le personnage de John Connor est devenu pathétique, déjà qu'avec Christian Bale...

Ce cinquième Terminator flirte avec les bas-fonds des précédents épisodes, mais retrouve quelque peu des atouts des premiers. Malgré sa futilité, le récit est plus élaboré que "Le soulèvement des machines" ou "Renaissance", mais ça c'était pas bien dur. On retrouve un peu de l'esprit des débuts de Terminator.

Pour les effets spéciaux la réalisation est efficace, du reste, on atteins un niveau d'amateurisme effarent. Les faux-raccords, incohérences et plans foireux sont aberrants.

En bref, d'un certain point de vu ce "Genisys" est mieux...mais obsolète.

 

D. B.

Emilia Clarke

UN MOMENT D'EGAREMENT, de Jean-François Richet

Genre : Sensuel mais sans suite

 

Outre le fait que ce soit un remake, ce film a été vu cent fois, ça on pouvait s'y attendre.

Les personnages et le récit sont grotesques. Seul le rôle de Vincent Cassel est pragmatique et cohérent. Les jeunes filles sont des caricatures poussées à l'extrême des ados de leur génération. François Cluzet joue sur son habituel registre morose et maussade. Cette part de caricature est assumée assez clairement, et donc voulue, mais pas nécessaire.

Au contraire, il aurait été plus intéressant de profiter de la spontanéité des acteurs pour rester sur le ton parfaitement naturel qu'ils proposent tous. Lola Le Lann et Alice Isaaz sont sublimes de fraicheur et d'éclat. Vincent Cassel est excellent

C'est d'autant plus dommage que le scénario soit aussi grotesque et mal ficelé. Les raccourcis aberrants s'enchainent, et les incohérences dans l'intrigue sont flagrantes. L'écriture est bâclée et ne laisse aucune possibilité de se plonger dans l'histoire. Déjà qu'elle soulève un sujet de débat, et qu'il n'est pas évident de s'y identifier. Le scénario est plein de fioritures. Entre l'histoire des sangliers et les traits forcés des personnages, le film n'est jamais subtile. De cette situation hasardeuse on attend quand même la conclusion.

"Un moment d'égarement" a le mérite de soulever la complexité de la relation qu'elle tisse. Deux hypothèse paraissent vite évidentes, une fin très dramatique et fusillante, ou au contraire une happy-end, cette dernière surtout. Les dernières secondes tranches malheureusement et gâchent la potentielle fin ouverte, parfaitement adaptée à se genre de récit. Ce que raconte cette fin n'est pas franchement convenable, et surtout décousue.

 

 

 

D. B.

Vincent Cassel et Lola de Lann

LES MILLE ET UNE NUITS - PARTIE 1: L'INQUIET, de Miguel Gomes

Genre : Oscillante épopée

 

Le principe de ce film est de raconter les difficultés d'un pays en proie à la crise actuelle, sous la forme des fameux contes d'orient. C'est un projet hyper ambitieux que Miguel Gomes a présenté à Cannes; un film de six heures, divisé en trois parties pour sa sortie au cinéma, qui cherche à mêler fantastique et réalisme. L'idée est follement belle, mais le premier tiers patauge et c'est très fastidieux.

C'est sur la forme des contes que le film se base plus que sur le fond. Le problème c'est que Shéhérazade doit tenir en haleine, captiver; c'est plutôt exactement l'inverse qui se passe. L'introduction dévoile ses mécanismes, la part de métafiction est logique aux vus de ses références. Dommage que cette installation soit aussi longue et lente; les vingt-cinq premières minutes sont assommantes.

Quand commence le récit des "Mille et Une Nuits", le film devient plus intéressant. La volonté d'illustrer le propos de façon figurative et fantaisiste est évidente, et la force du projet. Mais le mélange n'est pas saisissant. Cette difficulté est évoquée dans la lourde introduction, et le projet est alors annoncé comme impossible dans le film lui même. Ça sonne malheureusement comme une justification. On ressent très bien le fond du propos qui pose le contexte géo-politique difficile dans lequel le Portugal se trouve actuellement. C'est un portrait intéressant mais un peu rasoir. Les parties "réalistes" sont trop lentes et trop lourdes, surtout pour deux heures (et quatre à suivre); les parties "contes" ne transposent pas franchement le message en parallèle. Les symboliques restent flottantes.

Parti d'une idée ambitieuse mais géniale, Miguel Gomes semble partir trop loin avec ce voyage navigant dans les contes des temps modernes. Plus pataud qu'épatant. Oscillante, et si lente, épopée.

 

 

 

D. B.

UN FRANCAIS, de Diastème

Genre : Brute alternance

 

La guerre civile des années 90 entre lacets blancs et lacets rouges, du point de vu d'un nationaliste. L'idée est audacieuse et osée, surtout en ces temps. Le mouvement de soutien face au "manque d'effort" du distributeur a donné une belle visibilité à ce film. Une mise en avant agréable en ces temps de sorties uniformes, mais qui fait du tord au film.

"Un français" est un modeste croquis d'un homme confus. Le parcours initiatique d'un extrémiste sur le chemin de la rédemption.

Sur le papiers, ce projet est gonflé et prometteur. Sur l'écran les idées débordent mais ne sont jamais amenées avec finesse. Le protagoniste de cette histoire de vie est rendu tout de suite très sympathique. On nous force l'empathie pour ce Marco Lopez. La rivalité entre "Reds" et "Nazis" est traitée à sens unique. Prendre le point de vu des fachos devient une fausse bonne idée. Les "Cocos" sont montrés comme des sauvages et assoiffés de violence. Cette aberration est excusée par la volonté de casser l'image manichéenne de cette confrontation et d'aborder la part d'endoctrinement. Finalement ce chemin de la rédemption n'est que brièvement traversé. Le problème n'est pas que les maux ne soient pas clairement évoqués, mais que le recul qui va ramener Marco à la raison soit aussi peu approfondi et peu montré avec ses moments de doutes.

Alban Lenoir signe une présentation très honorable et transpose l'évolution de son personnage. Il conjugue la violence insoutenable que le film (ré)percute bien.

C'est dans la construction narrative que le fond du propos failli. Le rythme est à la fois hâtif et engourdi.

Faute de moyen, la mise en scène est approximative et se confronte aux difficultés de la reconstitution temporelle.

Techniquement le film est très faible, mais "Un français" transpire de bonnes intentions.

 

 

D. B.

Alban Lenoir et Paul Hamy

VICTORIA, de Sebastian Schipper

Genre : La nuit flanche

 

Suivre les errances nocturnes d'une jeune touriste, en temps réel. Le postulat de "Victoria" est à la fois simple et ambitieux. Le plan séquence de plus de deux-heures-et-quart est probablement artificiel, mais cela fonctionne très bien et il captive de bout en bout.
La première heure est fascinante, animée, touchante. On est tout de suite embarqué dans cette ambiance de soirée. Les acteurs sont tous d'une spontanéité stupéfiante. La rencontre fortuite est atypique; pour autant, jusqu'à un moment donné, elle garde une forme parfaitement réaliste. La première partie est d'une beauté rarement atteinte au cinéma, portée par une qualité d'interprétation remarquable. C'est quand on touche à un certain degré de poésie que la partition part dans des tons plus graves.
La narration prend un tournant dramatique et c'est dommage. Avec la simplicité, on perd l'euphorie et l'enthousiasme de départ. Ce n'est pas le réel problème de l'évolution du scénario, le propos se veux alarmiste (mais pas moralisateur) sur les débordements nocturnes. Cela dit, c'est dommage de noircir le tableau à ce point, surtout avec un tel potentiel de vigueur et de vivacité.
Le film reste de qualité, d'autant que ce contre-pied est voulu.

 

D. B.

Laia Costa, Frederik Lau et Franz Rogowski

HILL OF FREEDOM, de Hong Sang-Soo

Genre : In The Same Country

 

Trois ans après "In Another Country", Hong Sang-Soo signe à nouveau un charmant voyage, guidé par un visiteur. C'est beau, de paysage, d'ambiance, et de rencontres. Les décors coréens sont remarquables et les protagonistes qui s'y baladent sont lumineux. Des personnages authentiques, pleins d'amour et de spontanéité.

Mais comme avec les errances d'Isabelle Huppert, ce film nous perd quelque peu dans son récit alambiqué. C'est moins troublant que les trois tableaux dans "In Another Country", et beaucoup plus concret, mais l'histoire mériterait plus de simplicité, et moins de personnages, pour aller au plus près de la romance.

On peut perdre le fil du récit et se laisser emmêler par la libre interprétation du temps, mais "Hill of Freedom" reste une élégante visite en Corée du Sud.

 

D. B.

Ryo Kase & Eui-Sung Kim

WHILE WE'RE YOUNG, de Noah Baumbach

Genre : Méprise de générations

 

"Frances Ha", le dernier film de Noah Baumbach, était poétique, délirant et touchant; le portrait d'une quasi-trentenaire, danseuse pleine de rêves et de tracas du quotidien. Une ode à la jeunesse et à son entrain.

"While We're Young" confronte cette jeunesse à la maturité, incarnée par des quadras posés. Le récit tourne au conflit de génération et n'évite pas les maladresses que cela peut engendrer.

Pour autant on retrouve la fougue de "Frances Ha" dans cette nouvelle histoire de vie. Conjugaison de vies d'artistes et de ses différentes visions. Carré de vedettes engagées dans une partie de bluff ou chacun analyse le jeu de l'autre. Adam Driver surnage un peu parmi le casting. Ben Stiller est bon mais ne se réinvente pas, Amanda Seyfried est discrète mais plus convaincante que dans ses dernières prestations, Naomi Watts est transparente.

Dans ses questions existentielles, chacun se cherche dans l'autre. Jamie et Darby sont en dehors de leur temps et vivent en marge de la société moderne. Josh et Cornelia attendent un enfant pour sortir de leur routine et s'enferment alors dans une certaine crise (de la quarantaine). Ben Stiller et Naomi Watts incarnent le cliché du "vouloir faire jeune". Danse leurs façons de s'habiller et de danser ils restent dans la caricature.

La conclusion de ce conflit de génération est au mieux maladroite au pire réactionnaire. Les figures de jeunesse sont antipathiques, mauvaises et fourbes; jamais innocentes ou fragiles. On pardonnera cet impair grâce à "Frances Ha" qui était un beau portrait juvénile. Aussi un peu de maladresses concernant le regard posé sur l'univers du film documentaire. Les bonnes intentions sont tout même là.

Comme avec son précédent film, la mise en scène est parfaitement dynamique. Photographie colorée (seul contraste avec l’esthétique noir & blanc de "France Ha"), et musique variée et entrainante.

 

 

D. B.

Ben Stiller et Naomi Watts

ANT-MAN, de Peyton Reed

Genre : Les Gardiens de la Fantaisie

 

Comme un uppercut à DC, Marvel transforme la belle surprise "Gardiens de la Galaxie". A l'instar du film de James Gunn, "Ant-Man" percute avant tout sur son sens de la dérision. En mettant l'accent sur le comique de situation, voir de l'absurde, les scénaristes ont parfaitement saisi le goût du spectacle. Pas d'explosion, ni de destruction massive (juste un torrent dans une baignoire et l'éclatement d'une maquette), seulement une cascade de délires fins et bon enfants.

Certes cela se ressent dans la qualité de l'intrigue, faible. Le scénario est efficace et (trop) simple. Les éléments du récit sont surlignés et amenés avec didactisme. Dans un univers en perpétuel expansion, cette modeste fourmilière fait simplement le job et ça fait du bien. Plus qu'une bataille face à DC, Marvel se prend à l'auto-dérision, et "Ant-Man" fait un véritable pied de nez aux Avengers.

Le divertissement fonctionne pleinement grâce à cette relative sobriété, mais aussi aux effets visuels carrément convaincants. Mais là en revanche, le film en fait peut-être un peu trop et reprend quand même du service Marvel. Non pas que ce soit trop explosif, mais le sillon (ou filon) de la miniaturisation est peut-être trop creusé. On commence par une chute interminable, et les tunnels sont parfois trop longs. Pour contredire ce qui était dit plus haut, le voyage finit tout de même par flirter avec le galactique, mais c'est bref. Enfin quel parfait clou du spectacle que cette bataille du petit train.

La scène post-générique a beau enthousiasmer, cet "Ant-Man" laisse un goût d’accompli et n’appelle pas nécessairement de suite.

 

D. B.

Paul Rudd

DHEEPAN, de Jacques Audiard

Genre : Gardien de la paix

 

Une famille d'infortune qui traverse des tourments mais qui se construit dans la rencontre et le partage, en somme des personnages et un récit fidèles à la nature du cinéma de Jacques Audiard. Une profonde humanité ressort encore de cette histoire de vie. On prend tout de suite la mesure dramatique de la situation.

La précision d'écriture et de mise en scène pose le contexte avec sobriété, sans que ce ne soit jamais hermétique.

Le scénario est d'une grande délicatesse. Les personnages sont écrits avec finesse et ne tombent dans aucun cliché. Le point de vu est relativement objectif, et en tout cas jamais manichéen. La narration file dans un coton, soigneux de ne pas se heurter à l'épineux du sujet qu'il traite.

Entre murmures saisissants et cris percutants, le ton des dialogues est toujours juste. Les mots, les regards et les silences révèlent les maux. Performance d'interprétation évidente !

En plus d'une direction d'acteurs remarquable, Jacques Audiard fait preuve d'une grande maitrise de l'image. La mise au point du cadre est d'un réalisme fort. Dans cette crudité à la violence croissante, une image de splendeur s'impose avec un esthétisme fulgurant; comme pour rappeler que la nature sera toujours là pour écraser la jungle humaine, mais avec douceur.

Comme toujours avec Audiard, le film est d'une authenticité frappante. Le parcours de ces trois réfugiés est fort émotionnellement car il est le large reflet d'un vrai désastre. L'intérêt du récit est porté par le contre-coup de fuir une violence pour en retrouver une autre.

 

Bien que le scénario soit pleinement encré dans un contexte géo-politique brûlant, le récit n'est jamais une tribune militante. Ce qui peut passer pour une diatribe, voir un propos raciste (simple d'esprit celui qui l'affirmera), n'est qu'un portrait (très) accentué d'un ordinaire inacceptable. Le fait de focaliser son histoire dans les cités autour des questions de l'immigration, de la délinquance, de l'espoir d'un nouveau départ, créé une méfiance autour des intentions du message. Mais le propos ne s'engage jamais dans une position délicate car le récit reste objectif. On ne fait que suivre des expatriés supris par la violence cachée derrière « le pré » dans lequel ils débarquent. Une violence réelle, exagérée certes, mais pas de mauvais foi.

La fin est cependant très maladroite. L'explosion du conflit dégénère probablement trop par rapport au ton du film. C'est surtout la conclusion qui pose problème; elle montre l'Angleterre comme un eldorado paisible et accueillant, l'inverse donc du visage donné à la France dans cette histoire. Il ne faut pas prendre ces dernières secondes comme une fatalité, ni une généralité, mais comme une anecdote, une précision au parcours. Elle est inutile et le confort soudain est surprenant, mais le fait est que cette situation n'est due qu'à l'opportunité familiale.

 

"Dheepan" est une histoire de vies d'une justesse fascinante, encrée dans un contexte particulièrement sujet à controverse. Jacques Audiard montre la violence dans les cités avec une certaine délicatesse et garde la bonne distanciation, il n'en fait pas son sujet principal mais le place comme un décor, d'un point de vu extérieur. Probablement qu'il aurait pu écrire cette histoire avec trois autres pays sans en changer le fond. La solution pour éviter toute polémique aurait été d'en faire une pure fiction et d'inventer des contextes sociaux et géo-politiques, mais le film aurait perdu toute son authenticité.

D. B.

Jesuthasan Antonythasan

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